Mobilisation des pharmaciens à Limoges

31 mai 2024 à 12h42 par Yasmine Kichou

Le 30 mai 2024, près de 350 personnes, dont des pharmaciens, étudiants et usagers, se sont rassemblées devant la Préfecture de Haute-Vienne à Limoges. Cette mobilisation s'est inscrite dans le cadre de la grève nationale des pharmaciens, visant à dénoncer les difficultés économiques de la profession et la pénurie de médicaments.

Mobilisation des pharmaciens à Limoges - 30.05.2024 FLASH FM

Une mobilisation massive à Limoges pour dénoncer, entre autres, les pénuries de médicaments

Ce jeudi 30 mai 2024, les pharmaciens du Limousin se sont unis à un mouvement national de grève. Une mobilisation qui fait suite à la "grève des gardes" à la mi-mai.

Environ 350 personnes, parmi lesquelles des pharmaciens, étudiants en pharmacie et usagers, se sont réunies dès 11 heures devant la Préfecture de Haute-Vienne. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont appelé à cette mobilisation pour alerter sur les difficultés économiques et les pénuries de médicaments.

En Haute-Vienne, 98 % des pharmacies ont fermé leurs portes en signe de protestation, tout en assurant un service minimum.

Marion Lemaire, co-présidente du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne : « Il est dramatique actuellement d'arriver à des ruptures de soins pour des patients parce que nous n'avons pas ce qu'il faut pour les soigner, c'est infernal au quotidien, donc ça, c'est une énorme préoccupation qui crée un épuisement général, une exaspération et c'est pour cela que nos patients sont derrière nous aujourd'hui pour cette manifestation. Il faut savoir qu'actuellement, nous sommes à plus d'une pharmacie par jour qui ferme en France, notamment sur le 87 nous avons eu une fermeture d'officine par an depuis 10 ans. »

En Creuse, 100 % des officines devaient fermer en signe de protestation, mais en définitif 9 d’entre elles ont été réquisitionnées pour que les habitants aient tout de même un accès aux soins.

Nicolas Verguet, président du syndicat des pharmaciens de la Creuse : « C'est un problème qui est essentiellement causé par le prix extrêmement bas du médicament en France, ce ne sont pas forcément les pharmaciens qui le disent, ce sont les laboratoires pharmaceutiques (…) il y a, à l'heure actuelle, un delta entre le prix du médicament en France et celui des autres pays européens qui aggravent les pénuries dans notre pays. »

La pénurie de médicaments s’aggrave, avec une augmentation de 30,9 % des ruptures signalées en 2023, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament.

Des pharmacies en danger

La profession fait face à une crise sévère : 36 pharmacies ont dû fermer en janvier dernier. L’USPO, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine, met en garde contre la menace de licenciements massifs, estimant entre 20 000 et 25 000 emplois à risque. Les pharmaciens demandent donc une revalorisation financière, pour éviter la fermeture massive de leurs officines et la création de déserts pharmaceutiques.

Nicolas Verguet : « Le risque de désert médical, il est déjà présent en Creuse et ce qu'on risque maintenant, c'est le désert pharmaceutique. Souvent dans le bourg le dernier professionnel de santé accessible, c'est le pharmacien ou l'infirmière et les rentabilités des officines ne cesse de baisser parce que nos honoraires ne sont jamais revalorisés, que le prix du médicament est trop bas et qu’on annonce encore des baisses de prix des médicaments, donc à force, les pharmacies, surtout les petites pharmacies de campagne, ne sont plus viables et une entreprise qui n'est plus viable, elle ferme. »

Impact de la libéralisation de la vente en ligne de médicaments

À noter également que la dérégulation du marché, notamment avec la vente en ligne de médicaments par des plateformes commerciales, inquiète les professionnels.

Marion Lemaire : « On aimerait qu'on n'oublie pas que nous sommes des acteurs de santé essentiels et de proximité. Nous n'avons pas eu de revalorisation de nos honoraires depuis plus de 3 ans, au contraire des autres professionnels de santé et puis une autre préoccupation, c'est des bruits de couloir sur une potentielle dérégulation de la profession. On demande une régulation justement de cette possible vente de médicaments sur Internet, ce qui est une aberration, ce n'est pas un produit de consommation comme un autre. »

Une profession en quête de reconnaissance

Les pharmaciens réclament également une réforme de la sixième année d’étude en pharmacie pour renforcer les effectifs et alléger la charge de travail, ainsi qu’une reconnaissance de l’Etat d’autant plus qu’ils se sont investis pleinement durant l’épidémie de Covid.

Marion Lemaire : « Nous demandons une reconnaissance de l'État pour plusieurs choses, d'abord nos compétences qui ne sont absolument pas revalorisées et puis je trouve que l'État à la mémoire courte, il a bien oublié cette période covid où les professionnels que nous sommes pharmaciens, avons assuré dès le premier jour, sans interrogation, sans protection, un service de soins continue. Nous avons délivré les médicaments, nous nous sommes débrouillés seuls sur le terrain et si un événement comme la covid devait se reproduire, avec un maillage officinal dégradé, la situation ne serait strictement pas la même, il ne faut pas qu'il l'oublie. »

Nicolas Verguet : « Nous demandons un soutien financier pour les territoires fragiles et nous demandons d'une façon générale, pour l'ensemble de la profession, une revalorisation de nos honoraires qui n'ont pas été revalorisés depuis des années, malgré le travail que nous avons fourni dans le covid, les nouvelles missions qu'on nous donne et que nous prenons à bras-le-corps et depuis deux ans une inflation galopante en plus. »

Vers une solution ?

Le gouvernement propose une revalorisation des honoraires de 10 %, à débattre le 5 juin 2024. Cependant, le budget proposé reste inférieur aux attentes des syndicats.

Ce 30 mai, les manifestants ont souligné la nécessité d’une aide financière spécifique pour les pharmacies rurales afin de garantir un accès équitable aux soins.